mercredi 13 octobre 2004

Scénario type d'une blind date

Un bref chat sur un site de rencontre
Une proposition pour se rencontrer un soir cette semaine
Je dis oui, même si je n'ai pas vu ta photo, tu m'as l'air gentil comme garçon
Ne me l'envoie pas ta photo, je préfère avoir la surprise
On se donne rendez-vous, on confirme par SMS dans la journée. Oui j'ai noté ton numéro (avec les autres)
On se retrouve dans le 1er ou le 7eme, au choix, je maîtrise maintenant
Tiens, tu bosses ou tu vis dans le 7eme, je connais un peu le 7eme (et t'as pas un coupé sport par hasard, My God !)
Tailleur, coiffure, lipstick : allons y !
Il pleut, je suis en avance, j'attends que tu arrives, j'attends de te voir, même pas peur
Je t'ai décris ma tenue pour que tu me reconnaisses, alors que tu as vu ma photo, mais toi, à quoi ressembles-tu ?
« Salut, tu n'as pas trop attendu ? On va boire un verre à côté ? »
« Tu prends quoi ? » Un verre de vin blanc, Chardonnay, toujours, j'en boirais deux verres que tu m'offriras : « tu payeras la prochaine fois ». Mais oui, je payerai la prochaine fois...
Alors, depuis combien de temps tu es sur Meetclub ?
Et toi, tu fais quoi dans la vie ? Ah oui, je vois...
Tu lis quoi en ce moment ? Moi, je lis peu en ce moment...
Non, vraiment, Domenech, c'est pas possible, et depuis que Zizou est parti...
« Tu es vraiment charmante »
« Tu ne veux pas rester dîner ? »
« Tu veux bien qu'on se revoit ? »
« Tu m'appelles alors ? Je suis sous le charme, tu sais ? »
« Tu n'es plus célibataire, tu es avec moi... Non ? »

Mardi, scène avec J.
Mercredi, scène identique avec F.
Jeudi, ça peut y ressembler avec B.
Samedi, M.
Lundi, A.
Mardi H.
...
...
Je suis obligée de les noter dans mon agenda si je veux m'y retrouver.

Et je devrais être fière ? Prétentieuse car j'ai ma photo en page d'accueil de MeetClub (il paraît) ? Et je devrais être heureuse ?
Pourquoi je pleure depuis 1 heure ? Pourquoi ça me semble si dérisoire ?
Pourquoi je ne me satisfais pas de mon succès avec des inconnus sur le Net ?
Where is the love ?

Ma vie est un film d'auteur, parisien, prétentieux, surjoué. Du Chardonnay, au Palais Royal ou Avenue Bosquet, des dialogues léchés et des plans serrés sur le regard, « Tonnerre de Brest » qui sort de mon lecteur MP3. La pluie sur le pavé.

Moi, je rêve d'une maison en province, avec mes plants de tomate et mon cerisier dans le jardin, mes marmots qui courent et une odeur de tarte aux pommes. Avec des Caïpirovskas et du Nirvana en fond sonore, parce que quand même, je reste moi. Avec tes bras qui me serrent.

Est-ce que la Seine coule toujours dans le même sens ?

Parce qu'aujourd'hui, j'ai le sentiment qu'elle coule en biais (de la rive droite vers la rive gauche).

lundi 11 octobre 2004

My God !

Hé ! Vous de l’autre côté de l’écran, qui avez une petite vie tranquille, sachez que l’on est jamais à l’abri d’un basculement total dans la quatrième dimension. Votre petite existence pépère, peut devenir sans que vous sachiez très bien pourquoi, un genre de feuilleton de l’après-midi sur TF1. Pas le style « Sous le soleil » (trop spectaculaire avec des enlèvements de vos enfants pas votre ex devenu mafieux) ni « Les Feux de l’amour » (Stella est en fait la fille naturelle de Steven alors qu’elle s’est fiancée avec son fils Mike, donc son propre frère). Plus le genre feuilleton familial, il ne se passe que des petits trucs, mais tous les jours, non stop.
C’est ce qui m’est arrivé. Il y a 2 ans, j’avais une petite vie pénarde de jeune femme en couple avec un taf de merde, certes, mais rien de très spectaculaire ne pouvait se passer. Par la suite, quelques évènements sont survenus, et je me suis retrouvée célibataire dans mon pti studio du 15. Mais j’aurais pu avoir une ptit vie de célibataire tranquilou, plateaux-télé, salle de sport, aspirateur le samedi matin. Que nenni !
A la place, je me réveille chaque matin en me demandant ce qu’il va encore me tomber dessus aujourd’hui. Jamais rien de grave, mais toujours du surprenant.
Alors ceux qui ont suivi n’ont pas manqué ma rencontre fortuite sur Internet avec un copain du meilleur ami de mon ex (my God !). Ajoutons que quand je parle dans un post d’un gars avec qui je suis sortie en évoquant son employeur, l’un de vous m’écrit qu’il bosse au même endroit et qu’il aimerait bien savoir de qui il s’agit (my God !). Il y a aussi les dîners gastronomiques délirants à regarder du vomi et du sang qui gicle à la télé et les soirées plus absurdes les unes que les autres. Je vous épargne les quelques hallucinations professionnelles du moment (my God !). Et je résume septembre qui a été une sorte de festival Dynastiesque de l’amour, l’amitié, la famille : ruptures, phrases de trop, liens brisés, retour à la réalité mais aussi quelques rapprochements sincères, retrouvailles, liens d’amitié, mots qui résonnent. Bref, ma vie a tellement changé en un mois que c’est à peine croyable.
Ma mère s’est particulièrement illustrée dernièrement par un revirement total de son humeur générale. Une maman surexcitée, incapable de patience et d’attention, ne s’attachant qu’aux détails, prise de tête au top, parfois cassante et remontée comme une pendule, qui se transforme du jour au lendemain. Ma mère, nouvelle version, c’est un peu Esther Boutboul (« elle est belle ma fille, mais elle mange pas assez du coup, je lui ai fait 2 litres de moules marinières »), dans une version super intuitive et psychologue (mais qui êtes-vous Madame, passez-moi ma mère…), accueillante, concernée, quasi tolérante et super ravie que je revois mon père. My God ! Mais qu’est ce qui s’est passé ? J’ai un début de réponse : le diffuseur de Feliways branché en permanence pour shooter les deux minous et éviter les bastons de chats dans la cuisine doit faire son petit effet sur la maîtresse de maison. Maman est stone aux phéromones félines. Mais ça n’explique pas tout.
Mon père justement : un festival ce week-end. J’avais rendez-vous avec lui pour visiter son entreprise et signer quelques papiers qui font de moi son actionnaire très très minoritaire. Ben, ça va pas mal pour lui. Mon capital se porte plutôt bien et je pense pouvoir l’affirmer : je suis plutôt un bon parti, enfin pour une « Fleur de Province, ni trop grande, ni trop grosse, ni trop mince ». Evidemment, il ne m’avait pas dit pour rien qu’il était célibataire ce week-end. Il m’a invité à venir chez lui, sachant que je ne courrais pas le risque de me trouver nez à nez avec Bobone. A la place, j’ai fait la connaissance de sa voiture (de sport), son chien (my God ! Mon père avec un chien, c’est l’hallu, tout mignon que soit le chien), sa piscine (my God ! pas dire à ma mère qu’il a une piscine sinon j’en entends causer jusqu’en 2014, elle n’a pas muté à ce point), son potager « surtout entretenu par C. » (my God ! alors il n’est pas parti vivre seul comme il me l’avait dit au début ?), son salon et sa cuisine, sa petite vie quoi. Surprenant. Et les photos des enfants d’une de mes copines de lycée, sa nouvelle « belle-fille », avec le iench, trônant dans son salon. My God ! Il m’a invité au resto, dans la voiture de sport et il m’a ramené chez ma mère, donc devant son ancien chez lui où il n’a plus remis les pieds depuis 8 ans. Connaissant son côté tacticien, la prochaine fois, il devrait me demander de venir déballer les cadeaux sous le sapin avec sa nouvelle petite famille, et là, je ne pense pas être mûre. My God !
Précisons au passage que ma vie prend un tour étrange. Telle une pute de luxe, mais sans sexe, je ne paye plus jamais le resto (copains, exs, parents, boulot, rencards) et je ne circule plus qu’en voiture de sport (id.) ou du moins, en coupé. My God !
Un heure après, on a totalement basculé dans la quatrième dimension quand nous nous sommes retrouvés nez à nez à nez, mon père, ma mère et moi chez un chocolatier. 8 ans que ça n’était pas arrivé. Et voilà mes parents, qui eux se sont déjà revus, tapant la discut devant moi sidérée « au fait, si tu peux me prendre sur ta mutuelle pour ma dent… » Ben oui, ils ne sont que séparés, ça rend des services et pendant ce temps, on ne s’attarde pas sur les rancœurs.. A la vendeuse s’enquérant de mes souhaits d’achat, j’ai juste dit : « Heu, deux secondes… le temps de me remettre ». My God !
En rentrant ma mère me dit « j’ai faillit proposer à ton père de venir dîner… » Ben Voyons ! « Et moi j’aurais appelé mon ex. de quand j’étais djeunz, et on aurait joué à faire comme si on était en 1991 tous les 4 » My God !
Ex que, par ailleurs, je revis le lendemain (voiture de sport…) et qui aurait visiblement bien aimé me reconduire à la gare. My God ! Lui aussi aurait fini derrière le grillage du parking à agiter son pti mouchoir. Me voilà reconvertie en briseuse de cœur, une carrière qui n’a pas fini de me causer des emmerdes et des regrets.

En attendant, chaque SMS qui m’arrive est une source d’interrogations : fâcherie ? déclaration ? commentaire footbalistique ? Ou plus sûrement rencard. Oui, mais avec qui ? My God ! Mes messages reçus sont une liste de prénoms masculins pour certains d’inconnus, jamais vus, jamais entendus. Jérôme ? Mais c’est qui Jérôme ! Par chance, je n’ai pas encore de doublon sur les prénoms. My God ! Tout ça pour… boire un verre et ne jamais rappeler. Parce que, dans le fond, ce n’est pas ce que j’attends. A moins d’une autre surprise.

Ausweis bitte
oui, je sais, c’est germanophobe

Merci à la SNCF pour une brillante initiative : interdire l’accès aux quais aux familles qui accompagnent les voyageurs, y compris dans les gares de cambrousse et dans les trains corail et TER peu exposés au terrorisme international. Résultat, pour ne pas perdre une miette du départ de l’être aimé, les fiancés éplorés, les petites sœurs agitant leur mimine et les Tatie Josette en robe à fleurs en sont réduits à s’écraser le nez derrière le grillage du parking qui donne sur le bout du quai. Et les petites mains agrippées à la grille, les regards lointains et l’entassement pour un dernier regard, ça fait vraiment départ en camp. Du coup, le malheureux voyageur seul sur le quai avec sa valoche se demande si on ne va pas le faire grimper dans un wagon plombé. C’est pas cool.