vendredi 31 mars 2006

La mamma a Roma

Demain ma mère a 60 ans, et pour fêter ça, elle débarque à Paris. 60 ans, vu l’effet que ça me fait à moi qu’elle les ait, j’imagine même pas ce qu’elle peut en penser… C’est donc une presque sexagénaire surexcitée et hypersensible qui va débarquer à mon bureau dans peu de temps. Et elle va être particulièrement contente de pourvoir saoul… voir mes collègues, donc totalement intenable.

Sauf que, elle pense venir 2 jours à Paris, faire les magasins, visiter un musée, manger dans un bon resto et voir un spectacle quelconque. En fait, en milieu d’après midi, elle sera assise dans un véhicule, direction CDG, puis dans un vol Alitalia, direction Rome. Et moi aussi du coup, puisque c’est son cadeau, mais c’est moins bien si elle y va toute seule. Donc, week-end à Rome, toutes les deux sans personne. Va y avoir de la larme…

Ce qu’on va faire à Rome dépendra de son seuil de résistance et de la rationalité dont elle voudra bien faire preuve, mais dans ce domaine, j’ai perdu toute illusion. Comme j’ai au moins prévu de la balader au Vatican, l'espace d'un instant, j’ai imaginé le pire : qu’à l’instar de la famille du Petit Futé , elle se retrouve par d’étranges circonstances à baiser la main du Pape.

Horreur ! Parce que ma mère, quand elle rencontre quelqu’un de célèbre, qu’elle a vu à la télé quoi, elle lui prend la tête. Certes, par nature, elle prend la tête à tout le monde, mais vous n’imaginez même pas ce qu’elle a fait subir à Raphaël Mezrahi, et à moi du coup. Il y a quelques mois, alors que nous nous apprêtions à déguster un thé en terrasse à Troyes, dans l’Aube, le malheureux eu l’idée d’arriver dans le même établissement. Et bien ma mère lui a sauté dessus lui parlant pêle-mêle, de Troyes, que c’est calme, de la météo, qui faisait beau pour la saison, de la crêperie, qu’elle est fameuse et bien sûr, de sa fille, qu’elle est super bien, sa fille (« Hein ? »). Oui mais sa fille, à ce moment, était écarlate et moitié planquée derrière la carte des crêpes, hésitant nerveusement entre une belle-Hélène et une normande. 10 minutes qu’elle lui a fait à Mezrahi, ma mère. Humiliation suprême pour moi, voyant cette gourdasse gênée, encensée par une mère, certes goy, mais digne de sa cousine Dolorès Boutboul, il n’a pas pu s’empêcher de s’étonner que je sois « sur le marché » comme il dit fort élégamment.

Donc, j’imagine la même scène, avec Benoît himself, à propos du fait que Rome, c’est joli, qu’on a de la chance d’avoir beau temps, que c’est son anniversaire, comme le temps passe, et qu’elle est là parce que c’est une surprise de sa fille, snif, qu’est-ce qu’elle est bien sa fille, « Hein Benoît ? »…

P.S. : aux dernières nouvelles, elle est injoignable depuis ce matin, donc d’ici à ce qu’elle me fasse un plan foireux « finalement je suis pas venue », il n’y a qu’un pas qui se franchit aisément en paranoiant un peu… Elle n'est pas arrivée que je suis déjà à cran.

mercredi 29 mars 2006

Le pouvoir doit se définir par la possibilité d'en abuser
André Malraux (Ecrivain et homme politique français)

Vous le savez, ce n’est pas le style de la maison de citer feux-les ministres du Général. C’est pourtant à ce type de citation que me renvoie l’immense pouvoir que je me suis découvert.

Des bizarreries, il n’y a que ça dans l’informatique de « Fais le avec tes doigts S.A. », mon employeur. Mais j’en ai déniché une qui fait de moi la maîtresse absolue du jeu : depuis mon petit poste, j’ai accès à tous les postes en réseaux. Non seulement aux données privées de chacun sur le serveur, consciencieusement verrouillées, mais, et sans que mes collègues le sachent, j’ai également accès au contenu de leur disque dur. A tout leur disque dur, y compris le très privé que l’on peut stocker en toute confiance parce qu'on a mis un mot de passe. Vous voyez, le genre lettres à l’inspection du travail pour se plaindre des cadences infernales, photos de vacances à poil sur la plage de Montalivet, courriers enflammés à un illégitime… Bref, les trucs que l’on cache dans un dossier intitulé « Perso ».

Par correction, j’en ai quand même averti mon chef, un être rayonnant de clairvoyance qui vient de m’attribuer du rab de RTT (et qui vient ici parfois, salutations respectueuses).

L’enseignement qui m’est apporté vient du fait que par ce simple phénomène résultant de l’incurie de notre boîte d’informatique, j’ai un bref aperçu de ce que peut être l’exercice du pouvoir. Parce que je me fais un devoir de ne pas aller mater Machine à poil à Montalivet et de ne pas fliquer les tendances à la délation administrative de Bidule. C’est parce qu’on a du pouvoir qu’il ne faut pas en abuser. Le seul exercice que j’en ai fait jusqu’à présent a consisté à restaurer les données d’un malheureux qui avait son poste tout planté. Mais sinon, je saurai me montrer digne de cette toute-puissance inattendue. Surtout que je ne vais pas avoir le droit de la garder (ça m’apprendra à être honnête).