vendredi 15 novembre 2002

De la survie en environnement scotomisé (scotomisation = déni de réalité)
Naufrage Consulting dévoile ses techniques inédites à partir d’exemples frappants

La scotomisation, phénomène dont je vous ai précédemment parlé, est un processus imparable, surtout s’il vient d’en haut, du sommet d’une organisation. Mode de fonctionnement contagieux, elle gagne petit à petit toutes les couches d’une structure, inexorablement.

Rappelons que la scotomisation est, avant tout, une méthode de survie dans un univers hostile (bureau ou Noël en famille). Mais pour tout individu récalcitrant, cela peut devenir un enfer au quotidien.

Moi, fondatrice de Naufrage Consulting, Consultants spécialisés en organisation merdique, je vais vous dévoiler une méthode testée scientifiquement (comme mon shampooing L’Oréal au Régénium) pour gérer plutôt que subir un processus de scotomisation générale. Comment s’adapter à une organisation basée sur l’irréalisme et l’arbitraire ? Comment supporter l’aveuglement obstiné de son entourage ? Comment concevoir la fuite en avant comme mode de fonctionnement des individus ?

Mon analyse est simple, pour survivre à la scotomisation, il faut soit y adhérer soi-même (par un processus de mise en veille de ses capteurs de réalité), soit la simuler grâce à une technique exclusive Naufrage Consulting : l’acquiescement constructif.
C’est très simple à mettre en œuvre. Cela consiste, en toute occasion et à tout propos, à marquer franchement son approbation. Prenons tout de suite un exemple concret qui vous permettra d’appréhender la méthode et ses effets (pour essayer chez vous).

Dans une entreprise merdique et scotomisée par le haut, le chef de service (celui qui décide) annonce à ses salariés (ceux qui exécutent bêtement) que les objectifs pour l’année 2003 ont été définis. Il s’agit :
- d’organiser une animation commerciale basée sur le démontage de la Tour Eiffel et sa reconstruction en grande pompe sur le parking de la succursale de Bar-le-Duc.
- de mobiliser la force de vente afin de lancer une campagne de prospection sur Saturne (le marketing est formel, c’est une niche).
Comment réagir face à une hiérarchie aveuglée et inconsciente mais autoproclamée omnisciente et infaillible ? Plusieurs solutions s’offrent au salarié.


Première hypothèse : le salarié pousse des cris d’orfraies et traite le chef de service de parfait dingo, arguant que ces projets sont surdimensionnés, irréalisables et hors de portée d’une boîte aussi minable. Il clame son rejet et projette de remuer ciel et terre pour contrer ces idées.

Conséquences : le salarié est taxé de mauvais esprit. Toujours négatif, il est un traître à la Patrie.
Accusations possibles : manque d’ambition, esprit chagrin, attitude destructrice.
Perspectives : il devient un mauvais élément, à neutraliser ou éliminer.
Moral : face au manque de pragmatisme ambiant, à la dévalorisation de son jugement et aux faibles perspectives qui s’offrent à lui, il est démotivé, excédé voir révolté.
Physique : il va droit vers l’ulcère, la crise de nerfs et multiplie les risques de passage à l’acte (jet de cafetière à la gueule).

Moralité : tous ses collègues le haïssent et il est malheureux. Pourtant, la somme virée sur son compte en fin de mois reste la même.


Deuxième hypothèse : le salarié affirme son désintérêt en signifiant clairement que « peu lui chaut » (ou « ranapéter »). En effet, conscient de l’incohérence de tels projets, il préfère les ignorer stoïquement plutôt que s’en soucier.

Conséquences : le salarié est pris en grippe par sa hiérarchie, convaincue que sa démotivation avouée est un frein à leurs entreprises. Il devient un obstacle à tout dégraissage de mammouth.
Accusassions possibles : immobilisme, refus de s’intégrer dans une ambiance pourtant conviviale, prétention.
Perspectives : il sera progressivement exclu des processus de (non)production et ne sera pas invité à participer à des dîners sympatoches entre collègues scotomisés.
Moral : déçus par tout, il risque de se replier sur lui même, de bouffer des mauvais sandwichs seul dans son bureau et de pleurer dès qu’il fait tomber son stylo.
Physique : aigreurs gastriques, dépression, surdose de Prozac.

Moralité : tous ses collègues l’ignorent et il est malheureux. Pourtant, la somme virée sur son compte en fin de mois reste la même.


Troisième hypothèse : le salarié pratique l’acquiescement constructif (exclusivité Naufrage Consulting). Cette méthode repose sur une phrase clé : « Je suis d’accord ». Considérant qu’il s’agit de consentir à des idées saugrenues et à approuver des propos grotesques, l’accord formulé ne constitue pas un engagement sur l’honneur ou la réputation, et n’empêche en rien, dès 18h, en son for intérieur et en route vers domicile, de mépriser et conchier les semblables qui le poussent vers de telles extrémités.

Conséquences :l’attitude positive du salarié est louée et montrée en exemple. Il est bien vu et part à 18 heures tous les soirs (attention, règle incontournable de l’acquiescement constructif).
Compliments possibles : bonne volonté, ouverture d’esprit et jolies chaussures (car ses collègues deviennent ses amis).
Perspectives : Il devient un scotomisé présumé, gagne la confiance de son entourage et peut toujours masquer ses échecs en reportant indéfiniment échéances et bilans ou en cherchant des boucs-émissaires (voir précédemment techniques de bases de la scotomisation).
Moral : il se passionne pour le jardinage, la littérature laponne, les maquettes de Latécoère ou le blog, dès 18h.
Physique :il n’en a rien à foutre, mais il est bien, pas mal au ventre, dort comme un loir.

Moralité : tous ses collègues l’envient et il est en règle avec lui-même. Pourtant, la somme virée sur son compte en fin de mois reste la même.

Alors d’après vous, Quelle méthode choisir ?