VIP
Je ne suis plus une crotte, je l'ai déjà dit. Mais là, j'ai grave des preuves.
Dans le cadre d'un déplacement en province (un peu goret car en Alsace avec Bretzels, danseuses en costume et abominables plats en sauce avec des patates), j'ai pu tester mon immense popularité dans le secteur professionnel dans lequel j'exerce et j'exerçais déjà du temps de Bôcravail. Il faut dire qu'une fille qui a survécu à Juanita Banana, le fameux et fâcheux dictateur de Bôcravail, ça sort de l'ordinaire. C'est mon titre de gloire. Moi, Monsieur, j'ai fait Bôcravail. Les gens m'admirent, certains m'embrassent et me tapent dans le dos, comme Jean-Pierre Goloisebrune, un gars qui se tape 2 réunions par semaines depuis 2 ans à Bôcravail. Ca m'a fait plaisir car cet homme, un brin bourru, avait presque l'air ému que je me sois sortie de ce traquenard. Maintenant, je suis des leurs, ceux qui haissent Bôcravail, mais de l'extérieur, et ils m'ont adoptée.
Surtout maintenant que je bosse à Grossbouate, une entreprise enviée, et avec la délicieuse et tellement appréciée Mme Malcoiffée, elle-même transfuge de Bôcravail. C'est là-bas que je l'avais connue et c'est elle qui m'a fait entrer à Grossbouate, ou elle était partie poursuivre sa brillante carrière.
Du coup, les gens se répandent : " vous travaillez avec Mme Malcoiffée, quelle charmante personne, et si compétente. Pas comme son successeur ! ". Que voulez-vous que je dise ! J'ai beau avoir promis de ne pas pourrir Bôcravail, histoire de ne pas cracher dans la soupe, je ne prends tout de même pas la défense de mon ex chef adoré.
En plus, Grossbouate m'offre un nouveau statut, bien que mon employeur ne soit que Ptitebouate, un sous-produit noyé dans la masse. Grossbouate, ça en jette. Tu peux être balayeur à Grossbouate, les gens te cirent les pompes. Et à Grossbouate, on me respecte car je suis de la " famille ". Mon Président, un homme occupé mais aimable, m'appelle par mon prénom et ne se goure même pas. L'international executive manager du groupe me serre gentiment la louche et n'a même pas l'air de se demander qui est cette gourdasse en bleu qui lui tend une coupe de champ (moi). Un jovial secrétaire d'Etat en goguette se rue sur moi pour me la serrer aussi, because mon badge avec Grossbouate dans le nom. Du coup, je ne peux vraiment plus balancer des " bites-couilles " à tord et à travers.
Je vous laisse, j'ai un RDV avec le numéro 2 ou 3 d'un groupe français à l'international. Objectifs :
- ne pas dire " ouais " toutes les 30 secondes
- lui dire d'entrée que je suis une bite en anglais, mais sans dire bite
- ne pas me perdre en y allant
En résumé, lutter contre moi-même pour ne pas passer pour une cruche (que je suis trop souvent).