Formons un cercle prospectif préparatoire au groupe de travail ad hoc afin d’organiser une réunion de préparation en vue de la création d’un club de réflexion qui pourrait aboutir à une commission thématique constitutive d’un séminaire de recherche
Bref, réfléchissons ensemble aux trucs qu’on ferait si on avait envie de bosser
Par Naufrage Consulting et notre expert-conseil international M. PaCa (entre deux avions)
La bonne entreprise merdique nourrie ses forces vives (et viles) de réunions et groupes de travail quasi permanents. Car, le meilleur moyen de ne pas produire – ce qui est, rappelons-le, l’objectif ultime de la boîte de merde, est de mobiliser son personnel sur ce que l’avenir pourrait nous réserver de merveilleux, formidable et hors-de-portée si on n’y consacre pas toute son énergie constructive dans le cadre de petits groupes informels qui se réunissent régulièrement. C’est-à-dire tous les jours. 24h/24. Chaque minute que Dieu fait. Du coup, pas le temps de bosser.
L’État de réunion permanente est indispensable à l’entreprise merdique, une source intarissable de merdification mais aussi de mystification, des uns par les autres et des autres par les uns. Car les dirigeants croient, du coup, que les salariés travaillent, et les salariés pensent, de ce fait, que les dirigeants ont un projet pour l’entreprise. Que nenni, chions-nous gaiement dans les bottes, mais dans une grande pièce mal éclairée et avec du café, un paper-board et un vidéoprojecteur en rade !
Que ferait M. Grégoire de ses tristes journées s’il n’était pas totalement mobilisé sur la constitution de projets potentiellement préparatoires ? M. Grégoire occupe dignement ses 8 h par jour (faut pas déconner) à squatter le bureau de Mme Brigitte afin de résoudre tous les problèmes de la boîte, surtout les infimes et les insignifiants. Sans oublier de ponctuer ses emballements cérébraux lumineux et quasi incontrôlables par de savoureuses plaisanteries de bon aloi (calembours, contrepèterie, histoires belges). Il est comme ça, M. Grégoire, réflexif et dévoué, ça lui évite de produire rien qu’un peu.
Bref, tout le monde s’occupe et se donne bonne conscience tout en préservant la douceur de ses mains et la fraîcheur de ses trop rares neurones. Pour une efficacité proche de zéro. La tête à Toto.
Car l’État de projet permanent permet de ne jamais entreprendre concrètement quoi que ce soit. Car avant de se lancer aveuglément, l’entreprise merdique n’omet jamais de longuement peser le pour, le contre, le peut-être, le pourquoi, le si jamais, le on pourrait et le ptêteben. Longtemps. Souvent. Toujours. Pas faire des trucs ! Trop dangereux et surtout trop crevant. Alors que l’on peut passer ses journées assis sur une chaise (voir un fauteuil pour les mieux lotis) et tripotant des trombones en compagnie de sympathiques collègues tout aussi désœuvrés, mais qui aiment bien causer de tout et de rien. Comme ça, à brûle-pourpoint.
Le grand intérêt de ce cycle réflexif ininterrompu et perpétuel est son renouvellement quoditien. Lundi, on réfléchit et on trouve plein d’idées à mettre en œuvre pour faire des trucs achement bien. On se mobilise et on booste nos targets. Mardi, on fait table rase, parce qu’on a tout oublié et parce qui sinon on serait obligé de les faire, les trucs. C’est le syndrome « Un jour sans fin » de l’éternel recommencement. Chaque jour, on refait tout comme la veille. Hier est le même jour qu’aujourd’hui et demain ne doit pas exister. Pour cela, il suffit de ne pas prendre de notes et de ne pas faire de compte-rendu des réunions. Comme ça, personne s’en souvient (hémisphère gauche ramolli cause too much Buffalo Grill et too soon le Big Dil).
Alors, toi, salarié qui redoute la merdification de ton entreprise, entraînes-toi à détecter les signes fondateurs de la réunionite extensive. Si pour le moindre souci administratif (organisation des horaires, formulaire de prise de congé, stylo qui fuit), M. Grégoire convoque les équipes opérationnelles pendant deux heures, c’est sérieux. Si, sous prétexte que tu as déjà eu un Bic rouge qui bavait un peu, tu te retrouves embarqué dans un petit groupe amené à se réunir régulièrement... c’est super grave. Apprêtes-toi à consacrer ton existence entière chercher une parade économiquement soutenable à l’évasion de l’encre depuis un corps plastique orangé dans le cadre de l’application sur un papier standart A4 80 grammes. T’es dans la merde.
Naufrage Consulting, nous merdifions, et nous le faisons bien.