mercredi 9 août 2006

Vive Giscard !

Non, ces 15 jours de vacances ne m’ont pas conduite à l’extrémité regrettable que constituerait en 2006 un soutien tardif à l’ancien Président. C’est du fils que je parle. Celui qui nous vend du bonheur pas donné. Celui qui nous bombarde des watts au soleil, vodka-poire à gogo. Celui qui nous fait sauter dans l’eau, reprendre 3 fois des pâtes et rouler des pelles à des inconnus. Celui a fait du bien à l’humanité célibataire.

Ca fait bien mal de l’admettre, mais ces 2 semaines, qui m’ont paru un mois, m’ont sortie de ma longue torpeur hivernale. J’ai vécu en 15 jours tout ce que ne m’avait pas donné l’hiver parisien : des nouveaux amis, de charmants amants, des rires de gamins, des danses effrénées et les yeux d’un homme.

J’ai d’abord tâtonné, m’installant doucement dans cet univers de bruit et de futilités, au milieu des grands garçons dont le métier est de se tortiller au soleil sur de la musique boom-boom entre 2 séances d’aquagym. Une vocation. Parmi les nouveaux arrivants blafards laissant faire le hasard pour se découvrir des affinités, j’ai ma technique : arriver tôt aux repas, m’installer seule à une grande table avec ma bouteille de vin (le soir uniquement sinon je n’aurais plus d’estomac). Et attendre un coup de pouce du destin.

Il n’y est pas allé de main morte le destin en m’envoyant dès le deuxième jour l’incarnation vivante de Bernard et Nathalie, ceux des Bronzés version 70’s. Etrange couple : « on est parti parce qu’il n’y avait pas d’assurance annulation » me glisse t-elle. « Elle fait la gueule depuis Roissy » me dit-il. C’était parti pour 2 semaines de complicité redoutable, moi parfois entre eux 2, eux avec ou sans l’autre. On apprend à se connaître, se méfiant parfois puis on conclut que seule la situation est tordue et que les 2 individus valent qu’on les supporte. Un peu trash, notre redoutable trio ne pouvait faire venir à nous que des individus audacieux.

Il y en a eu, croisés autour de la piscine ou au practice. C’est fou ce qu’on a à dire à des inconnus pour passer le temps, les fesses immergées. C’est fou ce qu’on s’amuse à ne rien faire et comme le temps coule doucement. Viennent ensuite les soirs à s’agiter sur de la musique que l’on trouve insupportable le reste de l’année. Mais là, il y a l’open bar et des individus du sexe opposé agréables à l’œil. Le paradis de la drague en somme. Quelques étreintes, quelques baisers. Ce que l’on trouverait insupportable à Paris est ici facile. Une activité comme une autre : golf, tir à l’arc, galochage, sexe rapide. Quant au fantasme du bel étranger, il faut être maligne pour le réaliser à la hauteur de ses ambitions, c'est-à-dire viser le spécimen polyglotte. Et BCBG, parce que tant qu’à avoir un Macaroni sur le feu, autant éviter la petite frappe androgyne et narcissique en total look DetG ou le brutal tatoué épilé à la moue tombeuse et au regard bovin. Le Rital n’est plus ce qu’il était Mesdemoiselles. Il a toujours pensé à être bien peigné, mais maintenant il passe plus de temps que nous dans la salle de bain.

C’est bête à dire mais ces yeux qui ne vous quittent pas, cette drague lancinante, en version ritale ou en français, a colossalement remonté mon moral. Pas encore à mettre à la poubelle la fille. Ici, j’ai un maillot vichy rose qui a trouvé son public, un fan club attentif et pressant. Rester lucide quand même : dans 1 mois j’aurai débronzé.

Ce n’est pas que le maillot vichy qui a fait ma réputation mais aussi mon grand projet des vacances, celui à mener coûte que coûte quel que soit le déroulement des opérations : la lecture de mon pavé estival. Cette année, j’avais mis la barre très haut puisque c’est « Belle du Seigneur » d’Albert Cohen qui m’accompagnait. Solal et Ariane. Ils m’ont suivi de jours en jours de mes matinées à la plage à mes fins de journées à la piscine, lors de ma sieste sous les pins, faisant de moi la drôle de fille un peu froide, un peu bêcheuse qui traîne son livre partout : « La première fois que je t’ai vu, tu lisais ton livre énorme face à la mer ».

Et le soir la musique reprenait, et sa cour d’œillades consommées ou pas. Et le matin revenait, moi tombant du lit systématiquement avec mes 4 pauvres heures de sommeil sous les paupières. Je me suis follement amusée. Mais au bout de 2 semaines, on a l’impression de vivre « Un jour sans fin ».

L’histoire ne serait rien sans sa conclusion.

Nous avions discuté toute la journée, nous nous jaugions. Un soir, je nous ai vu lui Solal et moi Ariane, la fille des Gentils. « Solennels parmi les couples sans amour, ils dansaient, d'eux seuls préoccupés, goûtaient l'un à l'autre, soigneux, profonds, perdus. ». D’accord la réalité était moins romanesque : une longue étreinte égoïste sur un dancefloor bondé, collés par la sueur et le désir, hors du temps, hors du lieu. Tout de blanc vêtus par jeu, on ne voyait que nous. Et le lendemain, un défilé de vanneurs pour me dire : « Dis donc, j’ai adoré hier soir votre numéro de slow en boîte, surtout le retourné couché final sur l’enceinte ». Dire que je n’ai même pas de photo… Dire qu’au lieu de nager sous les étoiles, je me suis effondrée sur la plage dans mes vapeurs d’alcool, toi contre moi pour me réchauffer et empêcher des ivrognes napolitains de venir m’emmerder. Dire que le lendemain avant ton départ, le même ballet est devenu aquatique.

J’étais partie seule par le 42 puis RoissyBus en traînant ma valoche, la crainte au fond du ventre de passer 2 semaines de solitude. Quand je suis rentrée, il m’attendait à Roissy. Il m’a déposé chez moi on est allé manger et il m’a dit : « En fait, on ne se connaît pas alors on a rien à perdre : ça te dit qu’on reparte ce week-end ? ». J’ai dit oui au mystère et je ne sais toujours pas où je vais. Mais j’y vais et avec lui. Mon Solal de vacances.