vendredi 4 juin 2004

La quiche à l’eau de rose de la semaine
Episode 1

Après un vibrant hommage rendu aux divas vagissantes de la guimauve hexagonale dans « la vérité sort de la bouche des chanteuses qui crient » - les Céline, Lara, Natacha, Patricia, Jennifer et consœurs, j’ai décidé de vous servir de manière hebdomadaire une bonne part de quiche, oui mais à l’eau de rose. Un bon gros truc coulant de miel, lourd et indigeste, qui colle au doigt. Mais qui te colle la larme à l’œil dans les grands moments de vide de ton existence, un dimanche après-midi d’hiver devant Michel Drucker où tu réalises que tu n’as pas adressé la parole à un être humain depuis plus de 24 heures ou une soirée d’été où des tas de gens beaux, jeunes et riches se lèchent la langue à des terrasses de restaurants rien que pour te faire chier puisque toi tu rentres chez toi seul et à pied suite à une panne de métro.
Pardon d’avance pour ce pourrissage de cerveau, mais vous constaterez comme moi que les meilleurs moments de la crillarderie potagesque francophone, ces soupes rampantes déversées non stop sur Chéri FM, méritent plus d’attention de notre part. Car, masqués par les prouesses vocales des volailles choucroutées en robe du soir, les textes de ces purs trésors se caractérisent souvent par un lyrisme inégalé, sauf peut être dans les dialogues de « Sous le soleil ».
Pour commencer, tapons dans une grande parmi les grandes (et grosse parmi les grosses) productrice de quiche à l’eau de rose, une exploseuse de décibels comme on en produit que chez nos amis Francophones. Et dédicaçons cette grande page de la danse de slow façon collage sur un tue-mouches à Stéphane et Bertrand, les deux godiches bordelaises, avec une question inévitable : les gars, c’est lequel des deux qui sera en robe ?

La différence

La différence
Celle qui dérange
Une préférence, un état d'âme
Une circonstance
Un corps à corps en désaccord
Avec les gens trop bien pensants,
Les mœurs d'abord
Leur peau ne s'étonnera jamais des différences
Elles se ressemblent
Se touchent
Comme ces deux hommes qui dansent

Sans jamais parler sans jamais crier
Ils s'aiment en silence
Sans jamais mentir, ni se retourner
Ils se font confiance
Si vous saviez
Comme ils se foutent de nos injures
Ils préfèrent l'amour, surtout le vrai
À nos murmures

Ils parlent souvent des autres gens
Qui s'aiment si fort
Qui s'aiment comme on dit "normalement"
De cet enfant tellement absent
De ce mal du sang qui court
Et tue si librement
Leurs yeux ne s'éloigneront jamais par négligence
Ils se reconnaissent, s'apprivoisent
Comme ces deux femmes qui dansent

Sans jamais parler sans jamais crier
Elles s'aiment en silence
Sans jamais mentir, ni se retourner
Elles se font confiance
Si vous saviez
Comme elles se foutent de nos injures
Elles préfèrent l'amour, surtout le vrai
À nos murmures

De Verlaine à Rimbaud quand on y pense
On tolère l'exceptionnelle différence

Sans jamais parler sans jamais crier
Ils s'aiment en silence
Sans jamais mentir, ni se retourner
Ils se font confiance
Si vous saviez
Comme ils se foutent de nos injures
Ils préfèrent l'amour, surtout le vrai
À nos murmures


jeudi 3 juin 2004

He’s my girl
Vendredi Vendredia


Apparemment, le pti Vendredi serait une petite Vendredite. J’en vois déjà qui dise : « poouh l’autre, elle sait même pas reconnaître le sexe des chats ». Ouais, ben le dernier qui a mis en doute ma capacité à distinguer un pipi d’une quéquette chez le félin est l’heureux propriétaire d’une chatte qui s’appelle Hercule… Alors… Précisons que, pour le genre humain, en revanche, je m’en sors pas mal.
Mais les ptis chatons ont tous une proéminence sur le bas ventre qui peut, soit laisser deviner une future paire de couilles (tiens, j’ai dit couilles, ça faisait longtemps), soit un appareil urinaire femelle en développement. Pipi ou quéquette, au début, même combat.
Donc, Mademoiselle Vendredi (à confirmer quand même le véto a un petit doute, il se pourrait encore qu’il ne soit pas celle que l’on croit) est en pleine forme dans son auboise demeure, puisqu’à mon grand regret, je n’ai pu l’installer dans mon titapart. Trop cocole : j’ai un travail le jour et des allergies la nuit.
M’étonne pas en même temps que ce soit une fille (là le lecteur fidèle s’attend à une tirade vengeresse sur le genre masculin… que nenni). Elle est fort dégourdie, culottée, douce, pleine d’amour, et surtout, elle sait parfaitement jouer de son charme. Vendredi a créé l’événement dans la salle d’attente du véto, avec sa petite gueule d’ange et ses yeux morts d’amour. Ptite garce. Pouvait pas être un mâle.
En attendant, et afin de faire face à la jalousie de son gros matou Charlie, terré dans la buanderie depuis 4 jours que Vendredi fait son intéressante sur les coussins du salon, ma mère s’est lancée dans une entreprise de rapprochemment des congénères félins par la voie olfactive. « Plus besoin de Séphora » m’a t-elle dit « j’me parfume au FeliFriends ».
Quand il faut, il faut.

mercredi 2 juin 2004

Des années en arrière
Impression de déjà vécu

Prendre le train et arriver seule à la gare par une soirée ensoleillée comme quand on était étudiante et qu’on rentrait chez ses parents
Se voir dans la glace avec les cheveux frisottants et le petit collier de perles qu’on porte toujours et trouver qu’on ressemble encore à la photo de ses quinze ans trônant sur le piano
Se faire réprimander parce qu'on est trop mince, ou trop grosse, comme toujours
Conduire une voiture pour traverser la ville comme quand on partait en stage à Reims avec la vieille Clio et ne toujours pas savoir où on prend l’autoroute
Aller faire des courses au marché et saluer les commerçants comme quand on était en couple et se dire qu’ils se demandent ce qui nous est arrivé
Envoyer péter sa mère pour des bêtises comme au temps où elle était « vieille, nulle et qu’elle pouvait pas comprendre »
S’engueuler parce qu’elle n’a toujours pas intégré qu’on ne mange pas de pâté, comme depuis 30 ans
Aller à la foire de Champagne voir les animaux et manger des cochonneries comme dans le temps avec les copines
Dormir avec un chat ronronnant comme quand on n’était pas allergique
S’endormir en pleurnichant comme quand on se demandait ce qu’il allait nous arriver dans la vie.
Constance ou stagnation ?
Dédramatisons : "yé né pas chanché…"

mardi 1 juin 2004

Vendredi

Dimanche matin, il a fallu se rendre à l’évidence : il était tout seul. Maman avait disparue et aucun congénère n’avait donné signe de vie depuis longtemps. La faim se faisait sentir et la pluie perçante entre les tuiles déglinguées du toit du garage venait lui mouiller le dos. Et puis il avait peur de rester là seul, sans défense, sans nourriture. Pourquoi tout le monde avait-il disparu ? Alors il a crié, tant qu’il a pu, pendant des heures, mais rien ne s’est passé, à part le jour qui s’est levé. Pas d’autre solution que d’essayer de descendre cette échelle. Une grande échelle posée contre les planches vermoulues qui servent de mezzanine, avec des jours gigantesques, mais en bas la promesse d’un monde meilleur. Descendre tient de l’exploit d’acrobate. Sauter les marches une à une, en se raccrochant comme on peut. Ca a été long et fatiguant, mais rien ne pouvait être pire que l’abandon et le noir. Une fois en bas, un monde quasi inconnu, de la saleté, des toiles d’araignées, de vieux outils rouillés… Pas de présence amie, pas de compagnie. Et au dehors, la lumière, le soleil voilé, du bruit, des signes de vie. Tenter sa chance, sortir sous la pluie pour retrouver Maman… ou un autre. Pour ne plus avoir peur, ne pas rester là tout seul en attendant… quoi donc ? Direction le carré herbu derrière les graviers. Ca gratte le ventre, c’est amusant de gambader dans l’herbe, même s’il n’a pas encore beaucoup d’assurance sur ses petites pattes. Il court en crabe, il vacille, il s’amuse, après tout sans penser à ce qu’il adviendra de lui…
Et puis un grand bruit, une présence, un être géant qui parle, qui le regarde, qui s’intéresse à lui. Il ne redoute même pas le danger, il se dit que c’est sa chance et il court vers elle, en criant gentiment, pour lui faire comprendre qu’il a besoin d’aide et d’affection. La grande créature a les mains chaudes, alors il saute dedans. Ca fait du bien. Juste après, il court sur un sol froid et glissant dans une grande pièce éclairée, devant une soucoupe remplie de liquide blanc dans laquelle il va patauger. Il y a une autre grande créature aux mains chaudes qui le regarde et lui nettoie l’œil gauche, celui qui est presque fermé par la crasse. Il les regarde l’une après l’autre, tourne la tête et ouvre grand ses yeux pleins d’amour. Les créatures s’agitent mais il n’a pas peur, il a confiance, qu’est ce qui peut lui arriver de pire que le fond du garage ? Il se soumet tout entier et offre sans avarice tout ce qu’il a à donner, de l’amour et de la douceur. Après un peu d’agitation, il est porté très haut dans l’air et soudain un gros objet lui force la gueule et vient déverser dans sa gorge un liquide tiède et très bon. Manger, ça réchauffe, c’est une sentation étrange et réconfortante. Il a bien fait de se laisser porter jusqu’ici.
Deux heures plus tard, après un petit nettoyage et après élimination des premières propositions – Vivaldi, Volapuk, Veinard, Voyou, Vodka – il s’appelait Vendredi et s’endormait sur mon sein, un peu comme le chaton de la « Brave Margot ». Et toute la nuit il a pleuré pour dormir dans le cou de ma mère, pour sentir sa chaleur et ne plus jamais rester seul. Il a 4 semaines, le dos gris foncé, le ventre tigré et l’intérieur des oreilles et le cou beige. C’est le chaton le plus petit, le plus mignon et surtout le plus gentil que je n’ai jamais vu. Et le plus collant aussi. Il ne supporte pas qu’on le laisse seul Vendredi et même quand on est là, il ne nous lâche pas du regard. Longue vie Vendredi.