mercredi 19 novembre 2003

Cette auboise qui vit en moi

Même si je le voulais, je ne pourrais pas renier mes origines. Je suis auboise et je le reste, et dans le verbe, et dans le geste.
D'abord il y a ces expressions locales qui ponctuent mon discours, et dont je n'ai découvert le caractère purement régional qu'à l'âge de 18 ans, quand j'ai quitté ma province, bien décidée à empoigner la vie, le cœur léger et le bagage mince. Personne à Grenoble et parmi les nombreux étudiants expats des " 4 coins de l'hexagone " (vieille citation d'une speakerine des années 70, peu au fait des principes élémentaires de la géométrie) ne connaissait " la boude ". Ben quoi " la boude " ! " La boudine ? " me répondit une Rémoise. Non, la " boude " ! Belles expressions champenoises pour désigner le nombril : la boude à Troyes et la boudine à Reims. Et personne non plus ne savait qu'être " derne " signifie qu'on a des vertiges. Tout comme l'être humain normalement civilisé ne comprend pas forcément quand on lui parle de " tantôt " ou " c'tantôt " au lieu de " cet après-midi ".

Il y a aussi ce délicieux accent qui me revient parfois et dont le principal ambassadeur à travers le pays est Jean-Marie Bigard, quasi unique gloire locale (avec Raphaël Mezrahi). Car moi aussi, je suis née à " Trouao " et à l'occasion, je regarde passer des bateaux à " vouoles ".

Mais c'est surtout culturellement et historiquement que je ne peux me renier. Je crois qu'une auboise vivra toujours en moi. J'ai beau avoir quitté ce beau département depuis 12 ans, pour n'y revenir qu'épisodiquement, j'y suis née et j'y ai grandi, dans une famille 100 % autochtone. A part quelques Alsaciens fuyant le Prussien, tous mes ancêtres sont nés quelque part en bord de Seine ou d'Aube, un pied dans les blés et l'autre dans les betteraves à sucre, tous paysans puis tous ouvriers du textile. Forcément, il m'en reste quelque chose. Alors quand je parle, j'ai beau faire la Parisienne, la fille qui a fait des études supérieures, le vieux fond pécore et prolo remonte à la surface. Pour mieux comprendre, faut voir ma mère, c'est encore plus flagrant. Ca veut jouer les dames, les " profession libérale ", ça s'achète une belle voiture, mais dès qu'elle parle le masque tombe. Elle " compte " comme le vrai paysan qui amasse dans son bas de laine et elle a toujours une bonne expression auboise qui illustre la sagesse paysanne. Elle a bon appétit et bonne soif, comme dans les banquets de fête des romans de Zola. Mais elle a de qui tenir… Mon grand-père coupait son moteur dans les descentes pour économiser de l'essence, ma grand-mère a stocké du sucre jusqu'à sa mort en 1980 et si j'ai récupéré leur canapé en skaï, c'est qu'ils ne se sont jamais assis dessus, pour pas l'user. Auboise tu nais, auboise tu restes.

Suis pareil. Peux pas cacher d'où je viens. " Je transpire mon milieu " comme on dit. Ca sent la cour de ferme, le silo à grains et la cheminée d'usine en briques. Bien sûr, de nos jours, les céréaliers et les viticulteurs aubois sont parmi les agriculteurs les plus riches de France, et les usines textiles sont parties en Tunisie ou à Maurice, laissant des friches industrielles en pleine ville. Mais l'Aubois reste ce qu'il est : un petit-fils de bouseux de la Champagne Pouilleuse et un fils de tricoteur de chez Devanlay ou de chez Poron. Je n'échappe pas à la règle.

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lundi 17 novembre 2003

En direct de Mufflin…
envoyez l' bouzin

Il y a quelques temps, je me faisais la remarque : " tiens, je ne regarde presque plus d'émissions de reportages… ". Ben oui. Mais maintenant, je sais pourquoi. Parce qu'à chaque fois que j'en regarde, je suis consternée. Par les individus dont il est question, mais surtout par le fait qu'un journaliste ait choisi de traiter pareil sujet dans le cadre d'une émission d'information.

Prenons ce que j'ai vu hier en faisant de la couture (putain d'étiquettes à découdre sur les fringues neufs) devant 7 à 8. Un grand moment. Je résume (et je précise qu'il s'agit d'une famille bien française et pas de peuplades papous).
Il y a une vingtaine d'année, un type, non, je rectifie tout de suite pour planter le décor, un type du Pas-de-Calais, épouse une brave dame qui a eu une fille d'un premier mariage. Ensemble, ils ont 4 enfants. Tout va bien.
Jusqu'au jour où la fille du premier mariage tombe enceinte. Elle a 17 ans et raconte que le père est un militaire en mission à l'étranger, ce qui est normal dans le Pas-de-Calais. Ca se gâte (même pour le Pas-de-Calais), quand on découvre que le père du gosse est en fait le beau-père (le mari de la maman) et que la fille est consentante et même qu'ils ont une histoire sérieuse ensemble.
Du jour au lendemain, la mère fait chambre à part et sa fille prend sa place dans le lit conjugal. Et pour poursuivre dans le bon goût, ils vivent comme ça quelques temps sous le même toit. " J'allais pas mettre ma mère dehors " dit la fille. Effectivement, on a sa moralité.
Ce nouveau couple, quasi-incestueux, a 5 enfants ensemble, ce qui fait qu'avec ses demi-frères et sœurs, la jeune femme élève 9 gosses (Pas-de-Calais, normal). Des gosses à qui il a certainement fallut expliquer tout ça. Voilà, voilà.
Problème : la justice leur fait des histoires pour se marier, trouvant que ça un peu immoral. Mais dans ce reportage, on a l'air de vouloir les plaindre, eux qui sont presque une famille comme les autres. C'est après tout un bon père et une mère aimante qui a élevé ses frangins " comme ses propres enfants… "
Le pompon, c'est que la mère-ex-femme, vient bouffer tous les dimanches (grosse ambiance autour du gigot) pour voir ses enfants et ses petits enfants (qui sont demi-frères et sœurs). Le mari précise que c'est pour faire plaisir à sa femme et ses gosses, parce que si c'était que lui il aurait mis fin " un couple, ça doit avoir son intimité ". Il a des principes, bordel !
Mes conclusions devant ce reportage hallucinant :
1. Ils ont pas entendu parler de contraception dans le Pas-de-Calais ?
2. A quand un sujet sur la malheureuse femme à barbe zoophilie qui s'est vu refuser son agrément par la DASS pour adopter ?

Toujours pour illustrer mon manque d'intérêt pour les reportages, précédemment, j'avais vu " Envoyé spécial " (ce fut la seule fois cette année…) sur le clonage. On y montrait, entre autres monstruosités, une gentille famille du Middle-West (Pas-de-Calais amerloque) au téléphone avec un apprenti clôneur à propos de leurs projets de reproduction. La dame dépassait les 50 balais et n'envisageait pas, raisonnablement, d'ovuler, de gestationner et d'accoucher elle-même. A la place, on lui proposait… un orang-outang ! Oui. Faire porter leur enfant par un grand singe.
D'abord parce que l'enveloppe ovulaire avec laquelle est constitué l'œuf cloné est prélevée sur un primate. Donc, en vue d'assurer une réimplantation fructueuse dans l'utérus porteur, mieux vaut un utérus de singe.
Ensuite, et c'est pratiquement formulé ainsi, l'orang-outang est gratuit (enfin il prend pas sa com) contrairement à la mexicaine (ou l'afro-américaine), qui est vénale et qui peut faire un procès pour garder le gosse.
Enfin, d'un point de vue expérimental, l'orang-outang a peu de chance de gueuler parce qu'on fait n'importe quoi avec ses entrailles…
Frappés par la raison (! ! !), nos deux bouseux semblaient pour le moins circonspects, pensant aux échanges de sang entre le bébé et le singe. Risque fort de se retrouver avec King Kong à l'arrivée.

Mes conclusions :
1. D'un point de vue psychologique, comment traiter avec l'enfant-clone la question de sa naissance : " les petites filles naissent dans une rose, les petits garçons dans un chou, et les petits clones dans un orang-outang. "
2. A quand un sujet sur le désir d'enfant de ce fermier qui épousa sa vache stérile et qui demanda à son ex-femme de porter le fœtus ?

On est vraiment limite de me plus différencier les émissions d'actu de " 7 jours à Groland ". J'attends un vrai reportage sur le port obligatoire du string et des seins nus au Collège Desireless, à Mufflin ou ailleurs…

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