mercredi 8 mars 2006

L'expédition polaire
c'était rien que des tapettes à côté de nous

Le premier jour tout le monde grelottait. Au milieu des congères, dans le blizzard glacial, nous luttions péniblement contre le froid... On s'attendait à voir passer la marche de l'empereur sur la banquise. Emmitouflées dans tout ce qui était possible, pull en cachemire, gilet en angora, étole en alpage, peau d'ours blanc chassé en chemin, nous retirions nos moufles risquant l'engelure, voire l'amputation des extrémités. Stephan Green et Eric Bompard étaient partis pour se faire des golden roubibis (copyright partagé). Toutes les heures, nous nous hydrations de bienfaisants breuvages biologiques de type thé vert au cynorhodon, thé rouge au caramel ou tisane dite de « Bob », goût Jamaïque à la chicorée d'après le paquet, mais en vrai goût pain d'épices (donc rien à voir avec Bob qui ne connaissait pas la nonnettes dijonnaise fourrée, quoi que, allez savoir...). L'eau bouillait quasi en permanence, ne ralentissant pourtant pas (trop) notre productivité. Car se réchauffer de l'intérieur, c'était survivre, condition indispensable à la production. Pourtant tout refroidissait en quelques minutes, nous compris. Nous appelâmes en renfort un savant danois du nom de Aagaard, qui fait des putains de pastilles à base de produits de la ruche, qui adoucissent grave la gorge. Avec un goût indéterminé, entre le sublime et le deg, genre pêche qui pique. Donc, toutes les forces vives de l'alimentation underground à base de plantes bizarres, de légumes disparus ou de lait de bêtes qu'on savait même pas que c'était des mammifères, sont mobilisées. Parce qu'on le vaut bien. Et parce qu'on bouffe plus que ça, qu'il neige ou qu'il vente. Seul inconvénient à cette stratégie de réchauffage du cul par la tisane, le caractère hautement diurétique des produits, Jamaïquains ou pas. Et aller pisser dans cet environnement n'était guère un plaisir. L'idée de devoir baisser futal et collants dans ce congel était tout simplement... frigorifiante.

Ensuite, la neige est arrivée, et enfin, la pluie, annonçant le redoux et le sacrifice du brushing.

Putain, c'est bien sympa « Fais le avec les doigts S.A. » mais Pat'on, on se gèle grave le biiiip dans tes jolis bureaux. Heureusement qu'on y a un joli cravail.

dimanche 5 mars 2006

La fin inattendue de l'épisode
plus de bajada por el lado izquierdo

Ils étaient tous là. Il y avait les bigs chefs, d'une étonnante jovialité qui aurait du m'alerter. Il y avait la pléthorique compta au grand complet, mais là niveau jovialité, pas de miracle. Il y avait tous les directeurs de quelque chose, c'est à dire les deux tiers de l'effectif, qui se sont octroyés un titre ronflant pour se la péter en voyage au Paraguay. Il y avait les rigolardes nénettes, heureusement en charge de mon cadeau de départ, une assurance de qualité. Il y avait Odile, qu'on avait chargée de la logistique et des invitations, et comme une fois sur deux, elle avait oublié Sébastien, juste parce qu'il a son bureau au 5ème étage. Me voilà déjà fâchée avec quelqu'un. Et puis il y avait Jean Caby et ses saucisses cocktail, M. Picard et ses délicats feuilletés sans oublier Gérard Kipic, venu de la montagne de Reims avec son breuvage bon marché.

Un bien joli pot de départ en somme. Et il se trouve que c'était le mien. Putain... concentrons nous sur cette dignité qui devra rester nôtre avant comme après vidage du mauvais champ.

J'étais en forme, un peu fatiguée, mais ni trop fébrile ni trop goguenarde. Tout le monde était réuni dans la salle des conférences et quand Sophie du marketing a enfin montré le bout de son (grand) nez, j'ai donné le signal du départ. En vieil habitué de la chose, le big chef s'est lancé dans un petit discours juste ce qu'il faut de poli, juste ce qu'il faut de chaleureux, mais sans jamais verser dans le larmoyant. Depuis que ce monsieur a quitté les grandes écoles, et ça fait un moment, il a toujours plus ou moins été chef, donc manager, donc chargé des discours de départ. Il en a certainement fait des centaines, du coup le mien n'était qu'un de plus. La routine, c'était propre et net. On ne retient que les bons moments, mais pour étoffer, sinon ça va faire court, on se promet une foisonnante collaboration dans l'avenir qui nous réunira forcément. Ca m'apprendra à ne pas changer de secteur. Je lui jetais des petits sourires en hochant aux moments opportuns. Une affaire qui roule. Déjà Odile, dans son dos, faisait signe de déboucher tandis que les assistantes étaient affairées au montage fébrile des flûtes en plastoque.

Il a fini, on a applaudit et c'est là que je suis partie en cacahouète. Car tandis que j'allais prendre la parole et leur signifier toute mon amitié, et bla bla blouille, les filles de l'équipe sont arrivées avec le bouquet et les paquets. Alors, je me suis retrouvée avec cette montagne de cadeaux dans les bras, totalement stupéfaite. J'ai compris rien qu'en les voyait que mes petits collègues ne s'étaient pas foutus de ma gueule et loin de là. Avant même de leur asséner mon brillant discours, mon cerveau de shoppeuse exercé calculait déjà la somme approximative qu'il avait fallut collecter pour m'offrir ce que contenait, à vue d'oeil, les boîboîtes de marque. Liquide que j'étais. Emue de cette démonstration étrange de popularité. Certes, je me savais plus aimée que le juge Burgaud. Mais tout de même, me voilà toute conne à bafouiller que je pars pour faire évoluer ma carrière et pas parce que c'est quand même un peu la merde ici, non je l'ai pas dit comme ça. Je remercie bêtement, je leur souhaite... des bonnes choses, hein. Voilà, on se reverra. Ou pas, mais à ce moment là, ça ne se dit pas. Clap clap, on applaudit, on commence à boire, et Crucruche ouvre ses paquets de plus en plus tremblante au fur et à mesure qu'elle découvre les jolies choses pas bon marché que ses collègues lui ont offert.

Y'a plus qu'à faire le tour pour claquer deux bises et remercier. Les témoignages de sympathie, voir de regrets s'enchaînent, avec ce petit goût d'hypocrisie propre aux circonstances. Mais il doit bien y en avoir qui le pensent. Merde... et moi, je ne les aime pas plus que ça. Mais je suis vraiment une garce, une fille pas bien du tout ! Sur le moment, plus nigaude que jamais, je m'en veux de ne pas plus les aimer. Enfin surtout après 3 coupes de champ, hein. Ben oui, moi je suis le genre de fille qui s'émeut à la vue d'un petit lapin malheureux à la télé. Alors quand les gens sont gentils avec moi, ça me bouleverse, phénomène de nunucherie galopante grandement accéléré par l'alcool, surtout le cheap. Mais larmes il n'y a pas eu, faut pas déconner non plus. La surprise l'a emporté sur la mièvrerie.

Les gens sont restés longtemps, plutôt contents d'être là. Quand ça s'est fini, les boss m'ont fait la bise, c'est dire si on était bourré. Je suis partie, chargée comme une mule, avec mon bouquet et mes paquets. Je suis descendue, en passant devant l'hôtesse pleine de dents, puis devant la sécurité, des gars au physique engageant, presque autant que le gang des Barbares. En franchissant les portillons, j'ai mis mon casque dans mes oreilles, et là sans que j'ai rien programmé, c'est Cali qui a démarré, « Je m'en vais » : « Je selle ma monture, je repars à l'aventure ».

Pas de chagrin, quelques regrets de ne pas avoir fait mieux. Mais de l'espoir surtout et de la gniak. Et des tonnes de cadeaux...