mardi 15 juillet 2003

De ma vision du monde en général et de ce blog en particulier

Depuis quelques jours, en contre mon gré, mes anciens collègues sont devenus mes lecteurs. Une partie des brouillons de mes textes a été élégamment disposés sur le serveur, accessibles à tous. L'individu qui a fait cette découverte a par ailleurs pris le soin de désigner à certaines personnes des passages dans lesquels il serait bienvenu qu'ils se reconnaissent. Peu importe qu'il ne s'agisse pas d'eux, peu importe que cela puisse être humiliant pour eux qu'on affirme les reconnaître dans un portrait peu flatteur, l'objectif est de régler ses comptes avec moi. A tout prix, y compris en blessant les autres. " Dis donc machin, cet affreux personnage, c'est toi. Tu as vu comme elle est méchante ? ".

Méchante, oui je le suis dans mon exercice favori : la caricature. C'est cruel la caricature, c'est même pour ça que c'est drôle, sauf pour celui qui est caricaturé. Alors que la vérité soit faite : je suis un monstre. Je suis à l'origine de tous leurs problèmes et je suis coupable. S'ils ont besoin d'un bouc émissaire, et ils en ont besoin pour se détourner de leurs vrais problèmes, que je sois proclamée " ennemi héréditaire ". Ca soulagera tout le monde et ils auront enfin un autre sujet de conversation que l'humiliation quotidienne que leur fait subir leur chef, et contre laquelle ils ne peuvent rien. Ca ne changera rien à leur propre souffrance, mais ça les soulagera peut être un peu.

En dehors d'une ou deux sorties un peu gratuites et réellement méchantes, je suis assez fière de ce que j'ai produit pour ce blog. Quelque chose qui s'inspire de ma vie, de mon environnement, de mes amis et de mes ennemis. Mais ce n'est pas ma vie au quotidien. Mes vrais problèmes et mes vraies joies n'y sont pas, ou si peu par rapport à tous les épisodes anecdotiques, un peu romancés, un peu arrangés. D'ailleurs, en dehors de quelques faits personnels qui ont servi de point de départ à des délires ou quelques contributions insignifiantes destinées à donner de mes nouvelles, je ne crois pas que quiconque puisse reconnaître au détail près des moments vécus ou des individus réels. Inspiré de la réalité, mais pas fidèle. Sinon, jamais ce blog n'aurait été drôle.

Et c'est ce que j'ai le plus souvent voulu être : drôle. Le BôCravail était drôle, mon vrai travail ne l'était pas vraiment. Pas de quoi rire en fait, sinon en tournant en dérision nos petites aventures. Ma vérité, c'était une entreprise nécrosée, une ambiance de merde, des soirs où je rentrais chez moi en pleurant et le mal au ventre le dimanche soir quand on sait qu'il faudra y retourner le lendemain. Sans oublier une recherche d'emploi chaotique qui chaque jour me faisait un peu plus douter de moi. Mais plutôt que de me lamenter sur mon sort, j'ai voulu transformer cette épreuve en quelque chose de positif. Et j'y suis sans doute parvenue, car j'ai trouvé dans le blog une satisfaction personnelle, celle qui me manquait professionnellement pendant tous ces mois. Vos chaleureux encouragements ont d'autant plus résonnés que je recevais peu de louanges pour mon travail.

Une chose que j'ai écrite est vraie : mon blog a été une bouée dans un triste océan sans rivage. Pas de perspective, un système sclérosé, que des contraintes, que des déceptions. Face à ça, mon blog a été ma trousse de survie. Les autres n'en avaient pas ou plutôt, ils se sont contentés de ressasser la réalité, la revivant toujours plus douloureusement, sombrant dans l'aigreur. Moi j'ai choisi de la transcender, de la magnifier, en rendant ridicule et drôle ce qui était juste pathétique et pénible. J'ai l'air de me jeter des fleurs. En fait, je ne sais pas si j'ai réussi tout ça, mais ça m'a fait du bien d'essayer.

Alors évidemment, ce blog n'était pas fait pour ceux qui partageaient mon quotidien qui légitimement ne peuvent pas comprendre mon entreprise. C'est déjà pas marrant pour eux alors forcément, s'ils ont l'impression qu'on se fout en plus de leur gueule… C'est pourquoi presque personne ne connaissait l'existence de ce blog, même parmi ceux pour qui j'avais une réelle sympathie. Mon blog, c'est un projet personnel qui n'a rien à voir avec mon travail. Deux mondes qui ne devaient pas se rencontrer. J'ai merdé en oubliant de supprimer des fichiers, et rencontre frontale il y a eu.

La seule personne envers qui je me sens coupable est mon ancienne responsable, qui bien qu'elle n'ait jamais rien inspiré de comiques dans ces lignes peut franchement se sentir trahie, penser que je lui ai menti en permanence et que je me suis jouée d'elle. Je me mets à sa place je n'apprécierais pas qu'on m'ait dissimulé de tels sentiments. Dans la réalité, j'étais largement passive par rapport aux évènements, et dans mon blog si ironique dans ma vision du monde. En fait, mon ironie était mon arme plus que le reflet de mes sentiments profonds. Moi qui voudrais tant que tout aille toujours bien autour de moi et que tout le monde s'aime, je suis une éternelle déçue de la réalité. Alors, cette triste réalité, je préfère lui cracher à la gueule que de lui cirer les pompes.


Il est clair que deux ou trois personnes m'en voudront à mort pour ce que j'ai écrit. Sachant que rien n'est totalement véridique, je leur dirais seulement de ne pas trop charger leur barque. A une exception près, et il s'agit de quelqu'un qui d'une manière générale m'inspire peu, je ne déteste personne chez mon ex employeur. Certains m'ont amusée, et en grossissant le trait, des faits ou des paroles sont venus alimentés mes histoires.

La preuve en est que beaucoup d'entre vous ont reconnu leur entreprise dans BôCravail et leur patron dans Juanita Banananovich. Juanita, c'est la figure du patron dans tout le que l'on déteste chez lui, et Juanita pour moi, est devenue une sorte d'expiatoire. Juanita est inspiré de tout ce que j'ai a entendu de pire sur la dictature dans l'entreprise. Et donc en partie de mon ex employeur qui serait sans doute très flatté de se savoir si craint et si décrié. C'est sa façon d'être, c'est son fond de commerce et c'est même sur la crainte des autres et sur son sens du pouvoir absolu que mon ancien patron a bâti sa carrière en partant du bas de l'échelle sociale. Vous dire que j'adore cette personne serait très exagéré, mais je dois lui reconnaître un véritable talent pour s'être taillé une réputation, certes exécrable, mais si étendue. Ce n'est pas une personne qui laisse indifférent et quitte à affronter son patron, autant qu'il soit de ce calibre.

Aujourd'hui, je bosse avec un patron que j'admire et dans une boîte des plus intéressantes. Je fais un boulot passionnant dans lequel j'ai envie de m'investir. Croyez-vous que cela m'empêchera de déformer la réalité pour en tirer de quoi m'amuser et distraire mes lecteurs ?