lundi 3 juillet 2006

Juliette, Julia et Barbara

Il y a quelques jours, alors que je visitais un appartement merdique en vue d'une possible acquisition, l'agent immobilier m'a fait le coup de Juliette. J'explique le coup de Juliette, désormais un classique. Cela consiste pour un parfait inconnu à plus ou moins me dévisager puis à enchaîner grosso-modo les phrases suivantes :
« Je ne sais pas si on vous l'a déjà dit... »
« ...vous ressemblez à une actrice... »
« ... à Juliette Binoche ».
Dans ce studio délabré mais onéreux, je suis restée silencieuse et emmerdée devant cet énième coup de Juliette, sournoisement porté, alors que je fouinais dans la crasseuse cuisine.

On va se parler en vrai : c'est pas que je lui ressemble franchement à Juliette. Surtout que je suis BEAUCOUP plus jeune. Admettons : je ne suis pas bien grande, plus ou moins brunette et avec le même genre de sourire. Enfin on va dire ça, mais c'est pas super frappant non plus. Et pourtant, il se trouve occasionnellement quelqu'un pour me dire le contraire, sans aucun soupçon de drague lourde.

Mon premier coup de Juliette s'est déroulé dans un magasin de chaussures pendant les soldes il y a 5 ou 6 ans. La vendeuse me dévisageait et quand elle m'a avoué pourquoi, j'ai mis ça sur le compte du béret que j'avais sur la tête. Binoche en portait un dans un film, voilà c'est tout. Même pas pensé à lui demander une réduc sur les bottes...

Et puis plus rien pendant longtemps. Et de la Juliette en rafale ces derniers mois. Surtout chez les commerçants et restaurateurs, comme chez ce charmant asiatique qui à l'issue des 2 phrases fétiches ne mettait pas de nom sur l'actrice de sa pensée. Ma mère, toujours en finesse, surtout après 4 bières (parce que la fondue chinoise ça donne soif), s'exclama : « oui, à Julia Roberts ! » Alors Juliette, je veux bien sans trop d'éclairage, pas Julia point du tout. D'autant qu'à moi entière, je suis une demi-Julia en hauteur, tout en étant plus développée par endroits. Même le restaurateur from Saïgon ne le sentait pas ainsi d'ailleurs. Mais bon, c'est ma mère et elle était en forme ce week-end là, puisque le lendemain, elle chanta mes louanges à Raphaël Mezrahi (pour ceux qui ont suivi les épisodes précédents).

Avec mon épanchement sur le coup de Juliette, je sens que vous vous demandez où est le problème vu que la comparaison n'est pas vraiment diffamatoire. C'est pas un boudin tout de même, la Juju. Mais voilà, admettez que c'est juste très gênant qu'un inconnu vous dévisage et se trouve subtil de vous déballer sa fine analyse de votre faciès. Et d'abord, qu'est-ce que vous voulez répondre à ça ?
- pas « merci », rien ne dit que c'est un compliment et d'ailleurs ce n'est pas formulé de la sorte. Ils sont juste super contents de l'avoir trouvée, la ressemblance inédite...
- pas : « oui, on me le dit souvent », trop « je me la pète »
- pas : « à elle aussi, on lui dit tout le temps », encore pire
- pas non plus « non pas du tout et touche à ton cul » vu que je suis plutôt sympa dans le fond, comme fille...

J'en ai une super de réponse en fait mais je n'ose pas la sortir pour ne pas prolonger la conversation sur le sujet, mon souhait immédiat étant de clore (et de soit de commander une boule coco, soit de m'interroger sur les dimensions du séjour, selon les circonstances). Un jour, un individu évoluant dans le milieu cinématographique m'a sorti les 2 premières phrases rituelles et, anticipant le coup de Juliette, je le coupe et lui dit « oui, je sais, Binoche... ». Et lui me répond : « Non, je la connais Juliette, tu ne lui ressembles pas. Tu ressembles à Barbara Schultz... ».