vendredi 5 avril 2002



Même le chat ne m'aime plus

La boîte où je croupis a la particularité de posséder un chat, et même un très gros chat. Le genre tigré, avec doudoune blanche et grasse, un très gros cul et un tout petit cerveau. Nous l'appellerons G. afin de respecter son anonymat. En somme, G. est un gros lard un peu con mais très affectueux.
Il y a encore un an, cette bête m'aimait, il était même fou de moi. Dès le matin, il sautait sur mon bureau, fou d'amour, l'œil rempli de tendresse et agressait ma main pour qu'elle vienne lui gratouiller sa grosse tête vide. Il passait, entre mon écran et mon pot à crayons, le plus clair de sa journée, dormant en toute confiance ou quémandant un peu d'affection avec force ronron. C'est bien simple, on ne s'entendait plus parler tant il ronronnait, et parfois même un long bavou de bonheur s'échappait de sa gueule à l'affût de mes caresses. Une fois, il m'a embrassé sur la bouche ! Au secours, ce chat est humanophile !
Chacun était témoin de la tendre idylle qui nous unissait G. et moi. Quand est arrivée une sorte de Blanche-Neige du Nord/Pas-de-Calais. Le top de l'attraction pour petits animaux gentils. Je suis certaine que lorsqu'elle va se promener en forêt, les petits lapins sortent de leurs terriers, les oisillons s'envolent du nid et les écureuils sautent gaiement de branche en branche, et tous la suivent en chantant, fous de bonheur : "comme nous t'aimons, tu es notre amie".
Depuis qu'elle bosse ici, le chat ne décolle pas d'elle. C'est l'amour fou entre eux. Il ne vient plus jamais me voir, il m'a complètement oublié (surtout que j'ai changé de bureau, alors il y une chance qu'il ne me retrouve pas, avec son tout petit cerveau). De temps en temps, le soir, après qu'elle soit parti, il daigne faire une apparition. Il frôle mon siège, s'assied derrière le bureau et ronronne doucement. Quand je me lève pour le flatter, heureuse de notre bonheur retrouvé, il bondi hors du bureau et court comme un fou jusqu'à sa gamelle de croquettes...vide ! Il ne m'aime plus que pour mes deux mains, seules à même de le servir en Friskies à une heure tardive.
La fourbe créature va même jusqu'à lui acheter du thon en boîte pour son 4 heures. Comment voulez-vous qu'il résiste !

En parlant d'animal bête mais gentil, j'ai entendu parler, à plusieurs reprises, d'une lionne en mal de bébé, qui adopte de petites antilopes abandonnées. Telle leur mère, elle les lèche, les protège, les laisse dormir contre elle et leur ramène de la bonne viande que la pauvre antilope, herbivore, accueille d'un air halluciné. Évidemment, les deux premiers bébés se sont fait bouffer par les autres lions, par si cons. Mais à la troisième adoption de bébé antilope en péril, les gardes du parc où elle vit ont décidé de protéger cette famille recomposée afin d'observer le comportement de la lionne déviante.
Quand un fauve devient zinzin, il se transforme en petit animal gentil et affectueux qui protège les orphelins. Quand un homme pète les plombs, il prend un Glock et tire sur tout ce qui bouge. D'où la difficulté de comprendre la limite entre normalité et folie chez les êtres vivants. Enfin, moi je dis ça, je ne suis pas Gérard Miller…