vendredi 9 mai 2003

Ca y est, il y a des putes devant Bôcravail

Quand le Bôcravail a déménagé, Juanita, notre chef omniscient et jamais là, nous a dit : "on part dans un quartier populaire". Fort bien.
Pour moi, un quartier populaire est peuplé :
de familles d’origines diverses, avec des enfants, dans chiens, des chats et des perruches sur les bords de fenêtre,
de mères au foyer qui font cuire des plats mijotés qui parfument l’escalier,
d’ouvriers et employés,
de retraités de la SNCF qui se plaignent de leur pension,
de marmots mal débarbouillés qui piquent des bonbecs à la boulangerie,
de boulangères qui vendent encore les fraises Tagada dans des grands pots de verre,
d’instituteurs syndicalistes qui s’achètent des tables de salon en bambou à crédit,
d’étudiants post hippies qui cultivent des plantes qui font rire,
de joueurs de PMU accoudés à des zincs d’où le Ricard coule à flot,
de secrétaires qui claquent leur salaire chez Zara,
de masseurs kinésithérapeutes qui trouvent le quartier pas cher et sympas,
de jeunes couples avec des jumeaux qui pouvaient pas aller ailleurs pour se payer 90m2...
Enfin de pleins de gens normaux, qui n'ont pas des sommes à mettre dans un loyer.

Or, point de quartier populaire en ces lieux, déjà parce que personne n'habite ici. Les immeubles n'abritent que peu d'habitations, le nouveau quartier de Bôcravail étant dédié à l'industrie et aux services en tout genre. Oui, vraiment en tout genre.

Car, ça y est, en revenant de déjeuner, nous n'avons pu que constater la présence de deux "bordelières", fort défraîchies, devant l'immeuble presque en face de Bôcravail. Le genre qui vous fait la passe dans les chiottes sur le palier de l'hôtel crasseux au-dessus du Sis kebab (j'ai pas trouvé le s avec cédille de l'alphabet turc). La super classe.

Déjà, ce quartier populaire se distingue par la recrudescence de commerces haut de gamme, remarquables grâce à leurs enseignes envahies de XXX et à leurs effluves de vieilles graisses de mouton rance. Des junkies (mais pas ceux dont j'achète les disques, du moins, je ne crois pas) viennent vomir au pied des arbres, sur lesquels les clodos ont déjà pissé. Devant Bôcravail, ça sent la pisse et le vomi, mais c'est populaire (!!!). Quelle belle vision du Paris populaire et surtout quelle belle vision du « peuple » ! Ces pauvres pissent partout, mais comme ils sont sympathiques ! D’ailleurs, les exhibitionnistes qui s’aèrent la bite dans la rue et les fous qui insultent les passants sont très sympatoches aussi. Populaire, ben voyons ! On ne pouvait pas nous dire « merdeux et mal famé ». Alors on dit populaire, c’est-à-dire, dans les bons esprits de gauche qui nous dirigent, peuplé de pauvres qui dégueulassent tout. Mais on leur pardonne, car ils sont pauvres.

Pour tout arranger, Bôcravail partage ses poubelles avec des commerces alimentaires. Ce qui a pour conséquence d'attirer, vers 17 h, juste avant le passage des éboueurs, une faune que nous qualifierons de bigarrée, qui vient éventrer les sacs d'ordures et les répandre au sol pour trouver de quoi grailler (avant un bon shoot qui les fera vomir au même endroit). Comme c'est populaire et du meilleur effet quand tu invites des gens à participer à des réunions de travail !

Donc, en bas de Bôcravail, c’est Calcutta. Moi, je n’appelle pas ça un quartier populaire.

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