vendredi 11 juin 2004

Rousquille dans ta gueule

Mon très aimable employeur m’a envoyé le représenter dans un salon à l’autre bout de la France. On pourrait penser que c’est avec joie que je sors de mon bureau histoire de voir du pays. Mais manque de bol, à part une jolie promenade vespérale à mon arrivée, me voilà coincée dans un parc des expositions climatisé, comme on en trouve partout dans nos belles contrées civilisées. Donc, rien à voir, si ce n’est un défilé de visiteurs peu intéressé par mon jouli stand, sauf quand ils ont besoin d’un stylo que je leur offre volontiers, les gros sournois. En même temps, ceux parmi eux qui font l’effort de me parler, systématiquement m’entraînent vers de joyeuses banalités urbanistico-politico-météo : “ avec ce temps, on a besoin d’eau fraîche ”, “ en France, on a plus les moyen de rien ”, “ tout ça c’est la faute aux 35 heures ”... Ce sont des ingénieurs et c’est lourd un ingénieur. J’ai même renoncé à mater les plus juvéniles qui passent des les allées tellement c’est lourd un ingénieur. Un gars qui te parle de granulats et d’enrobé, je dis non. Alors je m’emmerde à 100 sous de l’heure. Le temps passe, mais doucement, et la bouteille de Muscat ouverte dans l’éventualité d’un possible apéro avec un aléatoire visiteur finit peu à peu dans mon gosier. Y’a juste quelques vieux qui passent et qui s’arrêtent interloqués par les biscuits que j’ai disposés sur une petite assiette. “ C’est quoi ça, Madame (ou Mademoiselle pour les plus courtois) ? ” “ C’est des rousquilles, Monsieur, c’est des gâteaux d’ici, c’est au citron avec du sucre autour. Prenez-en un, c’est bon ”.
Ca fait trois personnes d’un âge certain qui me posent la question, le quatrième, c’est sûr je lui fous dans l’œil la rousquille. Heureusement, que je n’ai pas en plus mon fameux thé aux fruits rouges qui sent bon.
Quant à savoir ce que je fais après et où je suis descendu à l’hôtel, en revanche, ça passionne mes visiteurs. Mais plutôt je vais m’offrir un Long Fish et un milk-shake fraise et me les taper devant « Le Journal de Bridget Jones ».
J'en conclus que pour gagner du fric, mon employeur devrait me prostituer au lieu de s’obstiner à essayer de leur vendre des trucs qui ne les intéressent pas.