Destins croisés
Il y a quelques semaines, je suis tombée (en faisant mon jogging sous les arbres devant chez ma mère) sur un de mes ex. Un pas récent, celui de mes 18-20 ans, celui qui a connu mon bac, mon départ à Grenoble, la fin de mon anorexie (42 kilos) et ma phase boulimique (63 kilos). Bref, il a donné. Comme il était étudiant en médecine, il avait un cas à disposition, enfin façon de parler car la plupart du temps de 150 à 700 kilomètres nous séparaient. Avant que beaucoup d’autres choses nous séparent.
Je l’ai connu fauché et passionné, ambitieux et directif, autoritaire et colérique. Ma mère et lui ne pouvaient pas se sacquer. Elle était persuadée qu’il lui avait défloré sa fille (grand Dieu, si elle avait su que le loup était déjà passé par là…) et elle faisait un blocage sur le côté « bouillant méditerranéen », alors qu’elle-même démarre au quart de tour… Elle aurait du s’y faire tout de suite, un coup sur deux, je lui ramène un fils de pied-noirs, plus ou moins commode...
Donc, ce fût une relation compliquée, une rupture soudaine et douloureuse (pour lui, parce que moi…). Le hasard des anniversaires de copains de lycée nous avait fait nous revoir quelques années plus tard, avant qu’il ne devienne le remplaçant officiel du généraliste de ma mère pendant ses congés.
C’est donc à cet ex-ennemi intime que ma mère confia son herpès. Et c’est lui qui me creva une cloque de pue l’an dernier (qui n’était pas un zona mais un soutif trop serré). Bref, il voit passer tous les boutons dégueus de la famille.
Je l’ai vu un matin alors qu’il garait sa caisse sur le parking du cabinet médical. On s’est salué rapidement et on s’est donné rendez-vous pour un jogging dominical en bord de canal. Il est venu me chercher le dimanche matin, en garant sa voiture comme autrefois, sauf qu’à la place de la vieille R9 de son père qu’il conduisait quand nous étions ensemble, il a une Alfa-Romeo GTV de kéké. On a pas mal discuté, sans ambiguïté, parce qu’il y a prescription depuis le temps. Et qu’on est certainement plus le genre ni de l’un ni de l’autre. Y’a pas que la voiture qui a changé, le gars aussi, plus modéré, plus désabusé. Et moi donc…
Dans la conversation, il m’a dit un truc épouvantable : « de toute la bande du lycée, il n’y a que toi et moi qui ne sommes pas mariés et qui n’avons pas d’enfants… ».
Bon alors, qu’est ce qu’on fait ? On se fout tout de suite dans le Canal avec l’Alfa sièges en cuir et les cannes de golf dans le coffre ?
A la place, il est passé à la maison, finir mon gâteau d’anniversaire, avec Maman qui lui faisait visiter les lieux pour qu’il voit tous les travaux réalisés depuis 12 ans, comme à un vieil ami de la famille qui reviendrait d’exil. Avec le naturel déconcertant de ma mère. Surréaliste.
mercredi 15 septembre 2004
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