Le baromètre du lundi matin
ou pourquoi je ne suis jamais l'employée du mois
Vu ma tendance à imposer mes humeurs à mes petites collègues, surtout à celles avec qui j'entame la semaine chaque lundi matin en réunion, je me suis décidée à leur confier le mode d'emploi pour décrypter mes tendances émotionnelles. En tout cas, à la plus « fun » d'entre elles, ça peut l'amuser. Et être la plus « fun » de l'équipe (après moi qui suis une sorte de punk dans le contexte), c'est pas rien...
Pour connaître mon humeur et savoir comment ma vie personnelle va interférer dans mon travail, c'est très simple. Deux solutions :
Option 1 : je me suis levée d'un pied optimiste et même sans considérer que, dès cette semaine (quoi que), je vais conclure avec un gars athlétique, cérébral et drôle (deux items me suffiraient éventuellement)avec qui j'irai vivre dans une jolie maison en province (à la mer ou à la montagne, je suis open) et avec qui je ferai de beaux enfants (le labrador est optionnel, je suis allergique), je me contenterai d'une soirée sympa avec un type pas mal. Je pars avec Coldplay dans les oreilles et je trouve ça beau (!).
Comment cela se traduit-il une fois arrivée à mon cravail ? Je n'écoute rien de leur putain de réunion (quelle idée de faire ça un lundi), où je débarque avec 15 minutes de retard (alors que mon bureau est à côté), je me cogne du chiffre d'affaires en chute libre (alors qu'ils font finir par me coller dans une charrette), la campagne de commercialisation multi-planétaire lancée par les super tops manager m'indiffère, même si mon directeur m'offre de m'y consacrer avec tout plein de responsabilité. Je leur parle pas de mes dossiers, dont elles se foutent de toute façon. Ranapété de vos dossiers cacas, je suis heureuse, moi (ou je vais l'être sous peu).
Option 2 : j'ai faillit claquer sa gueule à Stéphane Paoli qui m'agresse dès le réveil avec ses bons sentiments de gauche, en constatant que seule je me réveille, que je rate ma vie un peu plus chaque jour et que ce n'est pas cette semaine que ça va s'arranger, sachant que je finirai seule à croupir avec des chats de gouttière ramassés sur des parkings (et les yeux rouges car je suis allergique) à pas me laver les cheveux et à manger des ravioles de Romans crues dans le paquet, parce que c'est bon quand même. De toute façon, les gars sont tous des gros nuls, couards et irrésolus. Je pars en écoutant du Joss Stone pour artificiellement me donner la pêche, sinon je me jette sous une rame de la ligne 8 (ce qui mettrait en retard les jeunes winners qui taffent à Opéra).
Comment cela se traduit-il une fois arrivée à mon cravail ? Je suis la première en réunion et j'ai servi de l'eau à tout le monde, je me passionne pour l'ordre du jour quel qu'il soit car je n'ai rien que mon cravail auquel me raccrocher pour survivre. Du coup, j'écoute tout bien les interventions, j'opine du chef, je relance et je questionne, quand bien même le dossier du jour concernerait le développement des process de concertation sur le projet d'ingénierie de notre succursale de Sainte-Frénégonde-sur-la-Nouille (comme ce matin, c'était improbable tellement je me suis passionnée). J'informe moi-même mes sympathiques collègues de mes dossiers en cours car je respecte à la lettre les procédures internes de partage des savoirs . Y'a pas à dire, le cravail c'est important, la vie personnelle n'est pas tout et ne doit pas être mon unique priorité (surtout vu le peu de satisfaction que j'en tire).
Voilà de quoi déconcerter les plus patientes de mes collègues. Même « a sort of Mère Teresa » avec ses grands yeux compatissants me regarde bizarre. Donc, autant leur livrer le mode d'emploi de mon humeur du lundi, considérant la totale et déconcertante passion pour mon entreprise qui m'a gagnée ce matin et qui me conduit cette semaine à lui confier toute mon attention (alors que la semaine dernière les ascenseurs en feu ne m'auraient pas affolés).
Ca me fait penser au personnage joué par Isabelle Mergot dans P.R.O.F.S., ce film culte des années 80 : une pathétique prof de sciences qui oriente ses cours et traite ses élèves en fonction de l'attention que lui porte Patrick Bruel. C'est sûre, je suis pas la gentille collègue dont tout le monde rêve. M'en fout.
lundi 13 septembre 2004
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