lundi 23 janvier 2006

Curriculotte Vitae

Dans mes projets de changement professionnel en route depuis quelques semaines, j’ai eu l’occasion de constater à quel point l’imagination peut être fertile, surtout en réunion, et combien une jeune femme peut l’apprendre à ses dépens.

Voilà quelques mois, j’ai eu une relation avec un correspondant régional du groupe que je rejoins. Certains ont des raisons de le penser, mais très rares sont ceux qui en ont vu les effusions. C’est vrai que la morale réprouve l’adultère surtout avec un bon père de famille, cette morale qui se fout de savoir si son couple le rend heureux, s’il ne fait pas un sacrifice personnel pour rester en façade ce bon père de famille. Pourtant, c’était une belle histoire d’amour, un coup de foudre dans toute sa splendeur, le truc qui vous tombe sur la gueule sans crier gare et qui ravage votre vie un beau soir d’hiver. Les seuls moments de bonheur réel que j’ai connus ces trois dernières années.

Mais voilà, dans le monde professionnel, la rumeur ne fait pas dans le romantisme. Elle interprète, elle travestit, elle dégrade forcément les belles choses. Donc, dans le doute et la suspicion, je suis obligatoirement une chaudasse, une intrigante, voire un genre de Mata-Hari envoyée par ma diabolique entreprise pour espionner la concurrence, tourner la tête des jeunes cadres intègres et leur faire signer un pacte avec le diable en personne. Bref, je suis une fille dangereuse et faute de savoir vraiment ce que je fais de ma vie - ce qui de toute façon ne les regarde pas - les braves gens inventent ce qui se passe dans ma culotte. Et se demande pourquoi on m’embauche si je suis bien celle qu’ils croient.

Et voilà à présent que mon entreprise actuelle cherche les raisons de mon départ. C’est que je vais rejoindre mon amant. Oui, moi quand je dis « ami » eux entendent « amant ». Logique, ce n’est tout de même pas pour mes compétences, pour mon expérience professionnelle de près de 10 années et pour la confiance que l’on peut me porter que l’on embauche. C’est forcément que je suce. Et puis, pour quoi d’autres quitterais-je cette sublime société, sinon par attrait pour le vice et la luxure ?

En conclusion, dans un environnement professionnel majoritairement masculin, dans mon entreprise comme en dehors, je suis une jeune femme célibataire de 32 ans pas trop moche, donc, de toute évidence, une chaude du cul un peu facile, qui couche pour son avancement et qui notoirement débauche les forces vives.

Moi qui n’ai pas de vie sexuelle depuis des mois. Moi qui disait encore récemment à cette personne « A notre âge, même l’abbé Pierre baisait plus que nous ».

Je crois qu’il y a encore des progrès à faire pour éliminer les préjugés purement misogynes dans les entreprises. Parce que si j’avais été un mec, on aurait regardé mon C.V. et on aurait simplement commenté mon évolution de carrière. Ou si j'avais été une fille obèse une boutonneuse. Mais là, m'aurait-on embauchée ?