mardi 16 avril 2002

Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça
ou l'Union en mouvement à mes trousses


Mon cauchemar a débuté il y a deux ans par un frileux après-midi de printemps dans le quinzième. C'est bien fait pour moi, faut pas y aller. D'ailleurs sans doute que certains de ses habitants partagent mon malheur, plus sûrement même des riverains du septième. Mais pour ma part, cela tourne au harcèlement et je ne pourrai le supporter plus longtemps. Il me faudra prévenir les autorités, à moins que dans quelques semaines, les autorités, ce soient eux. David Vincent à mon secours !


Mon terrible secret est que depuis 2 ans, je suis poursuivi par l'Union en mouvement. Tout à commencé à la brocante de La Motte-Piquet – Grenelle alors que je cherchais innocemment un meuble pour mon salon. Faut croire que je cherchais aussi les emmerdes… Mais j'ignorais alors qu'ils pouvaient surgir à tout instant. Et les démons de l'UEM n'y sont pas allé de main morte en m'envoyant mon cauchemar de 1995.

Soudain, au coin d'une étalesde vieille vaisselle, il a surgi, grand et mou, ses cheveux bleuis par les rinçages de mémère, engoncé dans son manteau anglais : ÉDOUARD BALLADUR. À quelques mois des municipales à Paris, auxquelles il songeait alors à se présenter, il évitait soigneusement de croiser un électeur de peur de devoir lui serrer la main. Bien au centre de l'allée, z'yeutant de loin la marchandise l'air dédaigneux, notre Édouard n'était pas seul. Il avait sorti sa Marie-Jo, choucroutée comme la Claude Pompidou de la grande époque (1973 pour ceux qui s'en souviennent). Serrée dans un vieux trench coat, elle était aussi souriante, voire béate, que lui paraissait gêné de côtoyer tout ce peuple.

Devant une telle adversité, un seul objectif : ne pas lui éclater de rire à la figure. Pourtant, malgré mes efforts de contournements, le Ed pris un malin plaisir à apparaître subitement devant moi, comme un diable sortant d'une boîte. Cette fois là, nous nous en sommes sorti dignement, mais pas au Marché Georges Brassens bien des mois plus tard quand Doudou apparu. Là, j'ai spontanément hurlé : "Ah, non c'est pas vrai, pas Balladur ! On est maudit !". Quand interloqué il se tourna dans ma direction, c'est le regard honteux de mon compagnon qu'il croisa. Dès ce moment nous le savions, Édouard rôdait. Nous décidâmes donc d'éviter le quinzième pour nos promenades. Mais comme j'y travaille, je n'étais pas à l'abri d'une apparition de la Bête. Ce qu'il fit peu après, dans une grosse allemande avec chauffeur (une voiture bien sûre, pas une lanceuse de poids d'ex Allemagne de l'Est) au feu rouge devant mon arrêt de bus. Stupéfaite de son audace (venir me chercher si près de mon bureau), je feins de l'ignorer. Il se sentit toutefois obligé de répondre à un furtif signe de tête d'une jeune femme attendant le bus à côté de moi. La pauvre devait se demander : "c'est qui déjà ce vieux que j'ai vu à la télé ?" Moi, je songeais à tout le mal que je lui avais souhaité en 1995 et à la manière dont il venait se venger jusque dans ma vie quotidienne. Voilà pour Édouard, mais leur sadisme ne s'arrêta pas là. Car il est vrai que j'ai parfois eu des pensées impures à l'égard du RPR et même de l'UDF. J'ai été bien punie.

Précisons-le d'entrée : il est vrai que chaque soir je traverse le Palais Royal pour rejoindre mon domicile. Et qu'avant la Présidentielle, les candidats les plus innommables viennent y déposer leurs 500 signatures. Avertie par la radio du récent passage de Le Pen (j'avais tout de même échappé aux œufs pourris), je descendis très prudemment du bus. Personne à l'horizon : on fonce. Fatiguée, enrhumée, je m'apprête à passer devant le Conseil constitutionnel en sortant un mouchoir quand surgit… BOUTIN ! La grosse réac décolorée. Alors qu'elle apparaissait devant mes yeux, je souffrais péniblement mes restes de crève dans un kleenex usagé. C'est tout ce qu'elle obtiendra de moi. Inutile de préciser que j'ai pris mes jambes à mon cou…

Enfin, preuve irréfutable du complot, dimanche dernier, tandis que je ne promenais en toute innocence rue des Petits-Champs, apparu, bronzé, le pas joyeux : l'édile d'Évreux. JEAN-LOUIS DEBRÉ. Ah non, là s'en est trop. Rendez-moi Balladur !