lundi 10 juin 2002

Que reste-il de nos idoles ?


Les gens qu'on aime vieillissent en même temps que nous. Tout comme ceux que l'on aime de loin, sans jamais les connaître. Les gens que l'on admire à un moment de sa vie, on les regarde vieillir en photo dans les magazines, comme on vieillit nous-même dans nos albums de famille. Ils s'abîment, ils déclinent, et l'on réalise en les voyant qu'on est plus si jeune.

Pour moi, c'est comme dans la chanson de Jane Birkin "ex fan des sixties : "que sont devenues toutes tes idoles ?" et en réponse on égraine une longue litanie de disparus, plantés contre un arbre, sombrés dans la dope ou noyés dans une baignoire parisienne après trop de Whisky.

Je me suis pris une grande claque fin 1997. Je rentrais d'un congrès, gavée de boulot, n'ayant pas vu le jour pendant une semaine et encore moins un journal ou une télé. En faisant la revue de presse de la semaine passée, je suis tombée dans Libé sur l'info qui sonna le glas de ma jeunesse. Michael Hutchence, l'idole de mes 15 ans, avait été retrouvé au bout d'une corde. Malade ne plus être ce qu'il avait été, fatigué de toute la dope qu'il s'était enfilé, incapable de s'en sortir, marié avec une junkie qui ne passa pas le siècle non plus, il avait préféré mourir avant 40 balais. Michael Hutchence, quand j'avais 15 ans, recouvrait entièrement mon agenda de collégienne. Avec ma copine Nadège, on allait en ville chez Nuggets pour acheter toutes les anciennes cassettes d'INXS (j'avais un Chappi, rendez-vous compte !). C'est mon adolescence, et Michael Hutchence y reste à jamais attaché. Sa mort m'a filé un coup au cœur comme si j'avais perdu un ami. On l'avait échappé belle : peu avant, Dave Gaham de Depeche Mode a eu la bonne idée de se rater par 2 fois. Sinon, que serait-il resté des années 80 (et de ce terrible son de synthé) ?

Plus tard dans ma vie, j'ai aimé la musique de Seattle, comme un souffle nouveau sur le rock. Là, je ne vous raconte pas l'hécatombe depuis 10 ans, des connus ou moins connus, jusqu'à Lane Staley d'Alice in Chains qui en a fini avec la dope en avril dernier. Évidemment, la mort de Kurt Cobain a profondément marqué son public parce qu'il était jeune, qu'il avait du succès, une (horrible) femme, un enfant… et qu'il n'a pas supporté de devenir une idole. Tant de gens rêvent de devenir une star qu'il semble impossible qu'en être une, presque contre son gré, soit une telle souffrance. Il fallait surtout avoir de la pitié pour un pauvre type qui n'a jamais connu que le mal être et la drogue. Penser qu'on puisse mourir à 27 ans pour cause de "marre de la vie" n'est pas réconfortant quand on en a soi-même 21 (c'était en 1994).

Tout ça pour parler de Renaud. Un soir de février 2001, devant la télé, mon Homme et moi, avions préféré zapper que de le voir massacrer "Mistral Gagnant", bouffi, sans voix, recevant un prix d'honneur pour toute sa carrière… avant le prix posthume. Et bien, c'est ce qu'il raconte aujourd'hui, qu'il n'avait alors plus longtemps à vivre et qu'il s'en est sorti tant bien que mal.

Renaud, c'est l'idole de mes 10 – 12 ans, quand on commence à s'acheter ses disques et que, comme moi, on s'est intéressé très tôt au monde tout autour. C'étaient les années 80, les chanteurs pour l'Éthiopie et "Touche pas à mon pote". Moi, j'aimais Renaud et Balavoine. Quand le second est mort, j'avais 12 ans et j'ai eu l'impression de perdre quelqu'un de cher, comme tout un tas de mômes de mon âge. Alors, maintenant que j'approche des 30 ans (BOUOUUUUUUUUUUHHHHHHHH), si Renaud avait cassé sa pipe, c'était le coup de grâce pour ma pomme. Je préfère le voir avec ses 50 balais, fripé mais vivant, consciente que je suis devenue une dame et lui presque un vieux monsieur. Parce que c'est l'ordre normal de la vie. Putain, Lolita a 22 ans ! Ca, par contre, ça m'assassine. Y'a pas si longtemps qu'il chantait "en cloque", non ?

De le voir chez Fogiel, ça m'a fait chaud au cœur, car il faut bien qu'il m'en reste des idoles de jeunesse, à regarder vieillir et à montrer à mes enfants. Entre les camés et les alcoolos, il ne reste déjà plus grand monde. Par pitié, que Bono attache sa ceinture et ne roule pas trop vite ! Manquerait plus que ça.